L’industrie automobile, particulièrement en Europe, vit la plus grande mutation de son histoire. Elle subit une pression règlementaire sans précédent pour abandonner le pétrole et passer au tout-électrique.
Cette mutation est complexe, semée d’embûches et pavée de doutes : la voiture électrique va-t-elle finalement conquérir le marché ? Si oui à quelle vitesse ? Faut-il poursuivre le développement des moteurs thermiques à titre de « plan B » ? Faut-il miser sur l’hybride rechargeable ? Sur l’hybride tout court ? Sur les prolongateurs d’autonomie pour voitures électriques ?

Pour finir, c’est le marché qui décidera de ce qui se vend, et les urnes qui orienteront les politiques règlementaires.
Pour réduire l’impact climatique de l’automobile, plusieurs scénarios sont possibles. Le rôle que joueront respectivement la traction électrique, le moteur à combustion interne et les carburants alternatifs n’est pas encore clair.
Face à ces incertitudes, abandonner trop vite le moteur thermique est risqué : il domine encore le marché car il répond aux attentes des usagers. Il est économiquement accessible, très apprécié des utilisateurs, et constitue l’unique solution à court et moyen terme dans de nombreuses régions du monde pour propulser les véhicules.
Néanmoins, la voiture électrique progresse : elle est l’objet d’une intense activité de recherche et développement et d’un soutien massif des pouvoirs publics. Toutefois, elle reste encore plus chère à l’achat que son homologue thermique de +30 à +45 % en Europe. Cela limite son marché. De plus, elle se déprécie rapidement : de l’ordre de -45% à -60% en 3 ans (source : rouleur électrique) contre de -35 à -40% pour une voiture thermique.
Combinée au surcoût à l’achat, cette dépréciation constitue une perte financière importante que ne compense pas le coût limité de la recharge à domicile. En cause : les progrès rapides d’une génération de voiture électrique à l’autre qui en accélère l’obsolescence, ce à quoi s’ajoutent des appréhensions quant à la pérennité des batteries, et la crainte de devoir faire face à des réparations complexes et chères qui demandent une main d’œuvre hautement qualifiée.
D’autres freins à l’adoption de la voiture électrique subsistent : accès à la prise pour ceux qui n’habitent pas en maison individuelle, et anxiété liée à la faible autonomie et au temps de recharge. Des facteurs culturels entrent aussi en jeu : le plaisir de conduire une voiture thermique, la liberté qu’elle procure, la peur de l’inconnu, voire dans certains cas une défiance vis-à-vis d’une technologie imposée par décision politique sans concertation préalable.
En Europe, en 2024, malgré les pénalités fiscales à l’achat et les taxes sur le carburant d’environ 6€/100km infligées aux voitures thermiques, malgré les subventions à l’achat et une taxe sur l’électricité de seulement 1,5€/100km dont bénéficient les voitures électriques (recharge à domicile), ces dernières n’ont formé que 13,6% des ventes dans un marché automobile en retrait de près de 17,2 % par rapport à 2019. Le même nombre de voitures électriques vendu en 2019 aurait représenté 11,3% du marché.
Rien ne semble arrêter le législateur et le pouvoir politique pour forcer l’usager à rouler en voiture électrique. La France, championne du monde de l’impôt, a même inventé la « taxe annuelle incitative » : les entreprises qui n’achètent pas assez de voitures électriques (BEV, PHEV de moins de 50g CO2/km, H2), doivent payer pour les véhicules non-achetés.
La voiture électrique, pour l’instant, ne répond pas à un appel du public. Son marché est encore fondé sur l’incitation, la coercition, la contrainte, et sur une pression importante exercée sur le contribuable et les finances publiques. C’est évident : les conditions d’adoption massive de la voiture électrique ne sont pas encore réunies.
Écrasée de contraintes, de normes, de règlementations et d’investissements lourds dans l’électrique que supportent en partie les voitures thermiques, l’automobile est devenue chère. Trop chère ? Le prix moyen des voitures a augmenté de 24% entre 2020 et 2024 toutes motorisations confondues. Résultat : le marché automobile se contracte fortement face au mur du pouvoir d’achat. Le parc vieillit, ce qui ne va pas dans le bon sens pour l’environnement.
La voiture devient un objet de luxe bardé de technologies complexes imposées par un foisonnement inédit de règlementations. Ces technologies sont sources de pannes chères et difficiles à résoudre. Ceci encourage les automobilistes à se rabattre sur des voitures d’occasion des années 2010, plus simples, plus fiables et moins chères à réparer. En France, les petites voitures d’occasion, historiquement appréciées de la masse populaire, sont particulièrement recherchées et se vendent couramment jusqu’à +15 voire +20% au-dessus de la cote Argus : la production de ce type de voiture a drastiquement diminué à partir de 2020, rendue quasi impossible par des règlementations trop lourdes.
Autre frein à l’adoption de la voiture électrique : son bénéfice environnemental réel. C’est un sujet de préoccupation. Pour l’instant, les voitures électriques sont abusivement qualifiées de « zéro émission » par le législateur. Cela ne reflète pas la réalité. Avec le mix énergétique de production électrique bas-carbone européen, « du berceau à la tombe », une voiture électrique émet environ deux fois moins de CO2 qu’une voiture thermique équivalente en Europe. C’est une baisse significative, mais ce n’est pas « zéro » :
Empreinte carbone moyenne d'une voiture vendue en 2025 en fonction du pays et de la décarbonation des mix électriques - Segment D - 200 000 km | gCO2e/km
(Source : Carbone 4 [https://www.carbone4.com/analyse-faq-voiture-electrique] )
A ce titre, aucun véhicule ne répond au « 100% de réduction de CO2 » qu’impose la législation Européenne pour 2035, pas même une bicyclette. Pire, sur 200 000 km, un gros 4x4 électrique « made in China » pourra dans bien des cas émettre plus de CO2/km qu’une petite voiture thermique. Les gens riches pourront donc s’acheter un gros 4x4 électrique polluant tandis que les masses populaires seront privées d’acheter une petite voiture thermique moins polluante.
Mais on peut déjà se rassurer : cette qualification dérogatoire de « zéro émission » ne durera pas éternellement. Tôt ou tard, la règlementation inclura les émissions des voitures sur l’entièreté de leur cycle de vie, de leur fabrication jusqu’à leur recyclage en passant par leur utilisation. Il en sera de même pour les voitures thermiques dont les émissions ne sont pour l’instant règlementées que « du réservoir à la roue ». C’est absurde : ce sont les émissions « effectives » et non les émissions « règlementaires » qui impactent le climat et l’environnement.
Une fois ces émissions « effectives » prises en compte, l’évolution des motorisations et surtout, celle de l’origine de l’énergie qu’elles consomment, permettra d’établir leur bilan environnemental réel. Ce bilan inclura les émissions de CO2, mais aussi les conséquences sur la pollution de l’eau, de l’air et des sols, et le préjudices directs et indirects causés aux populations humaines et à la biodiversité.
A priori, le prix des voitures électriques diminuera, leur autonomie augmentera, les infrastructures de recharge deviendront plus denses, et leur impact environnemental reculera grâce à des chimies de batteries plus « eco-friendly ».
Tout ceci « a priori », car le prix des batteries pourrait aussi augmenter à cause de la raréfaction des ressources minière, de restrictions qui en limiteraient l’accès, d’une position de monopole de l’Asie qui l’inciterait à augmenter ses prix, ou d’une industrie de la batterie moins surcapacitaire qu’aujourd’hui en Chine.
Parallèlement, le rendement des moteurs thermiques augmentera avec le progrès technique, et les carburants qu’ils consomment deviendront plus respectueux du climat.
L’écart d’impact environnemental entre électrique et thermique pourra donc diminuer voire disparaître et surtout, chacune de ces stratégies pourra s’imposer en fonction des régions, des marchés et des usages. L’Inde par exemple verra son parc automobile exploser d’ici à 2050. Pour ce pays, l’urgence est de décarboner la production d’électricité avant d’y introduire des voitures électriques qui y émettent pour l’instant plus de CO2 que leur équivalent thermique (voir graphe précédent).
Dans un monde aussi vaste et complexe, thermique et électrique apporteront chacun des solutions. C’est pourquoi thermique et électrique doivent se compléter plutôt que d’être mis en opposition, que ce soit à bord d’un seul et même véhicule, ou d’un véhicule à l’autre en fonction des contraintes d’usages ou du pays d’immatriculation.
L’ouverture d’esprit, le pragmatisme, la neutralité technologique et la prudence, produiront de bien meilleurs résultats que les postures rigides et dogmatiques basées sur des études d’impact tronquées ou irréalistes.
Environ 3 milliards de moteurs thermiques sont en service dans le monde tous secteurs confondus. Sur 1,45 milliard de voitures en circulation sur la planète, 97 % ont un moteur thermique. Il en était de même en 2024 pour 87 % des voitures neuves vendues dans le monde (source : Alix Partners).
En Europe, une voiture électrique réduit les émissions de CO2 d’environ 50% par à rapport une voiture thermique équivalente. Ceci provient en grande partie de la nature bas-carbone de l’électricité européenne. Cette réduction pourrait passer à 70% à horizon de 2040 si le moteur thermique n’évoluait pas à proportion. Toutefois, développer la voiture électrique prendra probablement plus de temps qu’envisagé initialement. De plus, si elle reste limitée aux pays riches, le bénéfice pour le climat de la voiture électrique restera limité.
En effet, le développement économique rapide de zones géographiques fortement peuplées comme l’Afrique, l’Asie du Sud (Inde), le Moyen Orient ou l’Amérique du Sud va poser un sérieux problème d’émissions de gaz à effet de serre. Comme l’Europe l’a fait au début du XXème siècle, ces pays vont utiliser les ressources énergétiques les moins chères et les plus accessibles pour se développer. L’Inde par exemple produit encore plus de 70% de son électricité avec du charbon. Résultat : la consommation d’énergies fossiles ne cesse de croître. En août 2025, la production mondiale de pétrole a atteint le niveau record de 106,9 millions de barils par jour (AIE). Le charbon et le gaz continuent leur progression.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a finalement revu à la hausse ses prévisions sur la consommation mondiale de pétrole et de gaz : le pic de demande, initialement prévu avant la fin de la décennie, est désormais repoussé à 2050 où il atteindrait 114 millions de barils par jour.
La lutte contre le dérèglement climatique ne peut être efficace que si tous les pays, y-compris ceux en développement, y participent. Pour autant, tous les pays n’ont pas les mêmes moyens ni les mêmes infrastructures énergétiques.
Le risque de l’îlot « tout-électrique » Européen :
Au nom du « Green Deal », l’Europe compte parmi les rares régions du monde qui veulent bannir le moteur thermique au profit du tout-électrique. Ce faisant, l’Europe sacrifie son industrie automobile au profit de la Chine. C’est un séisme industriel et économique. Cette stratégie a toutes les chances de produire l’effet inverse de celui recherché, infligeant au passage des dommages irréversibles à la prospérité européenne selon la séquence suivante :
Bannissement du thermique à Perte de la souveraineté Européenne automobile à Effondrement de l’industrie Européenne à Appauvrissement à Tensions sociales à Montée du populisme à Remise en cause du Green Deal.
Produire des voitures 100% électriques Européennes ? La partie est perdue d’avance face à la Chine : les deux tiers des voitures électriques sont vendus en Chine qui produit 80 % des batteries, 85 % des matériaux actifs de cathode et plus de 90 % des anodes du monde. La Chine est le premier déposant de brevets dans la traction électrique. Elle contrôle l’essentiel de la chaîne d’extraction et de raffinage des métaux critiques qu’une voiture électrique contient en grande quantité : nickel, cobalt, manganèse, cuivre, lithium.
Avec un soutien massif de l’état chinois à la voiture électrique (environ 250Mds de dollars depuis 2009), des coûts salariaux de 3 à 7 fois moins élevés, un contrôle quasi monopolistique de la chaîne de valeur, une avance technologique de plusieurs décennies, une capacité industrielle hors-norme amortissable sur un gigantesque marché intérieur, une batterie chinoise restera toujours moins chère de 30 à 40% que son homologue européenne.
Ceci sera d’autant plus vrai que les Chinois sont surcapacitaires en production de batteries. Ils chercheront à conquérir les marchés étrangers par tous moyens. Pour cela, ils descendront leurs prix aussi bas que nécessaire pour s’imposer.
Au sortir d’une période de transition ruineuse pour les finances publiques et les constructeurs automobiles occidentaux, ces derniers n’auront pas d’autre choix que d’équiper leurs véhicules électriques de batteries chinoise pour conserver un semblant de compétitivité. Ce faisant, ils transfèreront entre 30 et 50 % de la valeur de leurs voitures aux entreprises chinoises. En abandonnant leur métier de motoriste thermique, ils passeront en pertes et profits leurs savoir-faire et actifs industriels, résultats de plus d’un siècle d’efforts ininterrompus. Comme le rappelle Luc Chatel, président de la Plateforme Automobile : il s’agit d’un véritable « sabordage industriel ».
Au terme d’une lutte inégale, la majorité des constructeurs automobiles européens disparaîtra comme l’ont fait la plupart des fabricants européens de panneaux solaires, d’éoliennes ou de t-shirt. A bout de souffle, leurs usines seront vendues aux chinois pour l’euro symbolique, une vente justifiée par le maintien de quelques emplois. Les Chinois n’auront ainsi plus à se soucier des droits de douanes puisqu’ils seront chez nous, et que nous serons leurs employés.
Qu’y gagnera-t-on, nous Européens ?
La situation est d’autant plus ubuesque qu’en 2024, la Chine a exporté 5,86 millions de véhicules (VP + utilitaires légers) parmi lesquels 987 000 étaient des voitures 100 % électriques (BEV), 313 000 étaient des hybrides rechargeables, et tout le reste, des voitures thermiques. Résultat : en 2024, 83% des voitures exportées par la Chine possédaient un moteur thermique. Une approche pragmatique qui contraste fortement avec le dogmatisme Européen.
Avec le moteur thermique, on peut développer une approche plus « mondiale » du problème climatique :
Il existe en effet une autre voie que le tout-électrique « quoi qu’il en coûte aux Européens ». Suivant cette voie, l’Europe pourrait mettre à profit son savoir-faire et ses compétences, et rayonner dans le monde entier.
Il s’agirait de faire du moteur thermique, fruit de 130 ans de R&D, une clé de voûte essentielle de la transition écologique à l’échelle mondiale. Cette stratégie serait beaucoup plus efficace à préserver le climat. Elle consisterait à améliorer encore le rendement du moteur thermique au bénéfice de la planète entière, à l’associer à des systèmes électriques de façon ciblée, et à réduire drastiquement l’impact environnemental des carburants consommés.

Avec cette stratégie, le moteur thermique ne serait plus un handicap mais un atout : il est plébiscité par le marché dans le monde entier et bénéficie d’un effet de diffusion massif. Chaque progrès dont il est l’objet a un impact environnemental de grande ampleur. Par exemple, si en 2024 on avait réduit de 10 % la consommation de carburant de toutes les voitures thermiques neuves vendues dans le monde, les émissions moyennes de CO2 des voitures neuves auraient été de 28% plus basses qu’avec les 13 % de voitures 100% électriques vendues cette même année.
Cette voie est d’autant plus pertinente que la position dominante du moteur thermique a toutes les chances de perdurer car il répond aux attentes des usagers sur quasiment tous les marchés du monde : un prix compatible avec le pouvoir d’achat des gens sans subventions publiques, une grande polyvalence, et de faibles contraintes d’usage. Si la voiture électrique répondait aux mêmes attentes, il ne serait nécessaire ni de la subventionner, ni de dissuader par tous moyens les gens d’acheter une voiture thermique.
Depuis plus de 100 ans, le moteur thermique pourtant complexe, lourd, bruyant et polluant, a supplanté le moteur électrique plus simple, léger, silencieux et propre. En 1900, la majorité des automobiles circulant dans les centres urbains américains étaient électriques et les voitures à batterie représentaient un tiers du parc national.
La raison de ce revirement historique ? A poids égal, réservoir compris, l’essence contient environ 70 fois plus d’énergie qu’une batterie automobile « packagée », soit environ 11 000 Wh/kg pour l’essence contre 150 Wh/kg pour les batteries. Autre avantage : le réservoir d’essence peut être rempli en deux minutes avec une énergie peu chère, disponible dans la nature, facile à stocker, à transporter, et à distribuer.
Mais les temps changent : le pétrole est une ressource finie dont il faut anticiper la raréfaction plusieurs décennies à l’avance, et sa combustion pose de sérieux problèmes environnementaux.
Pérenniser la mobilité implique donc de basculer massivement vers l’électricité laquelle peut être produite à partir d’une palette d’énergies primaires beaucoup plus large que le seul pétrole : charbon, gaz, uranium, vent, soleil, eau, biomasse.
Toutefois, sortir du tout-pétrole ne veut pas dire renoncer aux hydrocarbures (essence, gazole) dont l’exceptionnelle densité d’énergie et la flexibilité d’usage sont irremplaçables pour encore longtemps comme moyen de stocker l’énergie. Sortir du tout-pétrole ne pourra pas se faire en 10 ans : nous sommes dépendants du pétrole pour un ensemble de raisons qui dépassent de très loin la seule automobile.
C’est pourquoi éliminer hâtivement le moteur thermique ne fait pas de sens :
Les hydrocarbures neutres en carbone et les batteries électrochimiques sont complémentaires (voir ci-après).
Trajets courts – suprématie de l’électrique :
Il n’est pas pertinent de confier les trajets courts à un moteur thermique. Chaque redémarrage est polluant et coûteux en énergie. Or, trajets courts et conduite urbaine vont souvent de pair, et le rendement d’un moteur thermique est désastreux aux très basses puissances utilisées en ville.
Au contraire, le rendement d’une chaîne de traction électrique reste élevé à faibles puissances. En conduite urbaine, les freinages sont fréquents. L’électrique y fait un usage rationnel de l’énergie (régénération), et n’émet quasiment aucun polluant.
Trajets longs – suprématie du moteur thermique :
Il n’est pas pertinent de confier les longs trajets à des batteries électrochimiques. En effet, leur densité énergétique est si faible que même avec 500 à 600 kg de batteries et un poids total véhicule de 30 à 40% supérieur à celui d’un équivalent thermique, l’autonomie reste médiocre et la voiture chère à l’achat.
L’autonomie pratique s’entend le plus souvent entre 20% de charge au-dessous desquels il n’est pas recommandé de descendre pour préserver la batterie, et 80% de charge au-delà desquels elle est lente à recharger. En ce cas, seuls 60% de la contenance de la batterie sont souvent utilisés sur les longs trajets ce qui donne au mieux 250km d’autonomie à une voiture équipée d’une batterie de 80 kWh.
La recharge des batteries électrochimiques reste lente même sur des bornes réputées « puissantes » dont le déploiement en maillage fin est coûteux pour la collectivité : des centaines de milliards d’euros pour équiper l’Europe.
Au contraire, c’est sur route et autoroute que le rendement du moteur thermique est le plus élevé. La densité énergétique des hydrocarbures qu’il consomme lui assure jusqu’à 1000 km d’autonomie voire plus pour moins de 50 kg d’essence embarqués, avec un ravitaillement opéré en 2 ou 3 minutes dans des stations-services disponibles mondialement.
A l’évidence, l’électrique est parfaitement adapté aux trajets courts et à l’urbain, tandis que le moteur thermique excelle sur les longues distances.
Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les batteries électrochimiques aux hydrocarbures liquides qui pourront à l’avenir être synthétisés à partir d’électricité décarbonée d’origine nucléaire ou renouvelable (e-fuels).
Densité énergétique :
Réservoir compris, l’essence présente effectivement une densité énergétique massique (kWh/kg) environ 70 fois supérieure à celle d’une batterie lithium-ion automobile.
À kilométrage équivalent, et en tenant compte des rendements moyens (≈25 % pour un moteur thermique contre ≈70 % pour une chaîne électrique), il faut embarquer environ 25 fois plus de poids de batteries que d’essence pour parcourir la même distance (0,25 ÷ 0,7 x 70 = 25).
Donc, pour parcourir la même distance, 1 kg d’essence remplace 25 kg de batteries. Résultat : malgré leur surpoids de batteries, les voitures électriques offrent une autonomie nettement inférieure à celle de leur équivalent thermique.
Comparons deux cas concrets :
Volkswagen ID.3 électrique :
Volkswagen Golf essence :
Si cette Golf embarquait 516 kg de carburant comme l’ID3 (≈630 L), son autonomie atteindrait 10 200 km. À raison de 12 000 km/an (moyenne française), il faudrait faire le plein seulement tous les 10 mois.
Recharge :
Une pompe à essence transfère de l’énergie au réservoir d’une Golf thermique sous une puissance minimale de 22,4 Mégawatts (0,7L d’essence par seconde x 32 MJ/L). C’est 160 fois plus que la puissance que délivre une borne de recharge à une l’ID.3 électrique équipée d’une batterie Lithium-Ion de 79kWh.
Comme l’ID.3 électrique utilise une énergie secondaire (la transformation de l’énergie primaire s’opère dans la centrale électrique), elle valorise mieux l’énergie reçue par la borne de recharge que la voiture thermique qui, elle, convertit une énergie primaire (carburant).
Ceci pris en compte il faut encore plus de 50 fois plus de temps pour « recharger » 1 km d’autonomie dans l’ID.3 électrique que dans la Golf thermique.
Les tableaux ci-dessous montrent l’écart de puissance de charge entre une voiture électrique et son équivalent thermique :
Notre problème environnemental ne provient pas du moteur thermique mais du pétrole qu’il consomme.
Le pétrole est abondant : il en reste encore pour au moins 50 ans au rythme d’extraction actuel. Il est bon marché, facile à distribuer, à transporter et à conserver. Sa densité énergétique est extraordinaire : environ 12 kWh par kilo. A 70$ le baril de 159L dont 80% est transformé en carburants d’une densité moyenne de 850g/L, le kWh-pétrole coûte environ 70/(159*0,8*0,85*12) = 5,4 cents. A ce prix imbattable s’ajoutent à titre gratuit divers produits indispensables à notre industrie.
Nous sommes tellement dépendants du pétrole que si on cessait de le consommer, l’ensemble des économies du monde s’effondreraient. Cette dépendance dépasse les seuls moyens de transport : de nombreux produits sont fondés sur le pétrole, y-compris ceux indispensables à la fabrication des éoliennes, des panneaux solaires et des voitures électriques sur laquelle repose la transition sensée nous sevrer du pétrole. C’est paradoxal.
Notre dépendance au pétrole va de la chimie organique en passant par les caoutchoucs et les fibres synthétiques (polyester, nylon, acrylique), les colles, peintures, solvants, lubrifiants, emballages alimentaires, intrants agricoles, cosmétiques et produits pharmaceutiques ou excipients. Le bitume, dont plus de 90 % des routes du monde sont revêtues, est issu à 100 % du pétrole. De 50 à 60% de la masse d’un pneumatique provient du pétrole.
Pour l’instant, la pérennité de nos modes de vie repose sur les énergies fossiles restant à extraire. Toutefois, leur impact sur le climat ne nous permettra pas de les consommer jusqu’au bout. Nous sommes pris au piège.
Il est donc vertueux de tout faire pour libérer l’automobile de sa dépendance au pétrole. Cet objectif focalise toutes les attentions et passionne les débats. Néanmoins, atteindre cet objectif suppose que toute notre industrie s’affranchisse également du pétrole, y-compris les navires, les avions et les camions, bien plus difficiles à électrifier que les voitures.
En effet, s’affranchir du pétrole implique d’en sevrer tous les postes de consommation à due proportion. Quand on distille un baril de 159 litres de pétrole, on récupère entre 65 et 70 litres d’essence. C’est presque la moitié. Cette essence est consommée par l’automobile à plus de 80%. Si les voitures cessent de consommer de l’essence, il faudra que les autres secteurs cessent également d’utiliser du pétrole. Sinon, il faudra transformer cette essence en autre chose.
Convertir l’essence « fatale » en d’autres produits est techniquement possible. Toutefois, le coût énergétique et économique de cette conversion est élevé, et se traduit par des émissions de gaz à effet de serre additionnelles. Cette conversion étant compliquée et chère, l’essence non-consommée par l’Europe aura toutes les chances d’être consommée par d’autres régions du monde. Elle y sera brûlée dans des voitures. Il n’y aura aucun bénéfice pour le climat.
D’autres effets sont à prévoir : si l’occident réduit fortement sa consommation de pétrole, la contraction de la demande fera baisser le prix du baril. Ceci rendra le pétrole plus accessible à des pays émergents qui en consommeront plus, se développeront plus vite, et mettront plus de voitures thermiques en circulation.
Vu la relation persistante entre PIB et consommation de pétrole, le transfert de la consommation de pétrole des pays occidentaux vers les pays émergents s’accompagnera d’un transfert de richesse, d’une contraction du parc automobile occidental, et d’une augmentation du parc automobile des pays émergents. Ces pays fortement peuplés ont soif de mobilité : le parc automobile mondial augmentera drastiquement au détriment du climat, passant de 1,45 milliards de véhicules aujourd’hui à 2,2 milliards en 2050 conformément aux projections de l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA).
En 2021, l’EIA estimait qu’en 2050, 31% des voitures roulant dans le monde seraient 100% électriques ou hybrides rechargeables. Selon cette hypothèse, il y aurait plus de moteurs thermiques en circulation en 2050 qu’en 2025, soit 2,2*0,69 = 1,52 milliards, sans compter les moteurs thermiques qui équipent les hybrides. Comme à cette horizon toutes les voitures du monde auront été remplacées, toujours selon ce scénario, il faudra produire à minima 2,2 milliards de voitures en 25 ans soit 88 millions de voitures par an. La durée de vie d’une voiture étant inférieure à 25 ans, ce sera plutôt de l’ordre de 100 millions de voitures qui seront produites chaque année d’ici à 2050, dont 70% pourraient encore être équipés d’un moteur thermique.
C’est pour cela que développer des véhicules thermiques à haut rendement est indispensable. A l’échelle planétaire, ils domineront le marché pendant encore de longues décennies, plus ou moins combinés avec des moyens électriques (hybrides). Ceci durera le temps que s’opère l’incontournable transition vers des sources d’énergie non-fossiles.
Pendant cette transition, produire des moteurs thermiques à haut rendement se traduira par un gain net en émissions de CO2 mondiales. Cette stratégie ouvrira de nouvelles perspectives via les carburants neutres en carbone, en combinaison avec l’électrification, accompagnant graduellement la sortie du pétrole.
Le moteur thermique gardera la faveur du marché et sera irremplaçable dans de nombreuses régions du monde tant que l’électricité ne sera pas disponible en quantité suffisante partout, stockable à bord d’un véhicule à faible coût, le tout sous une forte densité énergétique et avec un temps de recharge court.
C’est pourquoi réduire l’empreinte carbone de l’automobile nécessite :
Les gaz à effet de serre n’ayant pas de frontières, seules des technologies bas-carbone largement diffusables à l’échelle mondiale seront efficaces à lutter contre le changement climatique. Pour réussir, les véhicules à faible empreinte carbone devront rester attractifs, abordables, polyvalents, durables et facilement réparables, des qualités qu’offrent naturellement les véhicules à moteur thermique.
Sans ces qualités, les véhicules à faible empreinte carbone ne rencontreront pas le succès escompté, leur impact climatique sera limité, ils ne seront pas rentables pour les constructeurs, ils assécheront les comptes publics s’ils sont imposés par des politiques volontaristes décorrélées des réalités du marché, et les conséquences économiques et sociales de ces inadéquations seront lourdes :
Le moteur thermique fait donc partie des ressources à mobiliser en priorité pour atteindre le meilleur compromis économique, environnemental et social. C’est pourquoi, en alternative au tout-électrique « quoi qu’il en coûte », la neutralité technologique est indispensable pour répondre à tous les usages et à tous les marchés. Nombreux sont les dirigeants de l’industrie automobile, en particulier européens, qui en appellent à cette neutralité.
Pour que la mutation automobile reçoive le soutien des populations et ait un impact fort sur les enjeux environnementaux et énergétiques, il faudra exploiter les particularités et qualités propres du moteur thermique combiné à des carburants à haute densité énergétique, et celles des moyens électriques combinés aux batteries électrochimiques :
Les tableaux ci-après donnent raison à Carlos Tavares – ex-P-DG de Stellantis, qui affirmait en 2023 : « Il y avait des solutions qui du point de vue environnemental étaient beaucoup plus efficaces, moins coûteuses pour le consommateur, moins coûteuses pour les finances de l'État et ces solutions, pour des qualifications que je qualifie de dogmatisme, n'ont pas été traitées avec l'objectivité nécessaire ».
Les tableaux suivants présentent les émissions moyennes de CO2 de différentes motorisations et sources d’énergie du berceau à la tombe (Analyse du Cycle de Vie) :
On remarque que le véhicule électrique est imbattable en émissions de CO2 dans les pays où l’électricité est fortement décarbonée comme en France grâce à son parc nucléaire. C’est le cas aussi en Islande, en Suisse, en Suède, ou encore en Norvège grâce à des disponibilités hydroélectriques uniques d’où provient 99% de son électricité.
Toutefois, en moyenne mondiale, produire un kWh d’électricité émet encore 460 g de CO2 dans l’atmosphère. Il est donc impossible de décarboner l’automobile mondiale en ne comptant que sur la performance des rares pays riches dont l’électricité est bas-carbone. Il faut une stratégie applicable au niveau planétaire : les gaz à effet de serre n’ont pas de frontières.
Or, les pays riches sont déjà à la peine pour imposer la voiture électrique. Donc, pour les pays pauvres, ce sera long car la voiture électrique ne fera de sens que lorsqu’ils auront développé leurs moyens de production d’électricité bas-carbone et auront atteint un niveau de vie rendant cette stratégie possible.
Dans ce contexte, le moteur thermique a un rôle de premier ordre à jouer à l’échelle mondiale, en combinaison avec une électrification raisonnée, et en association avec des carburants neutres en carbone d’origine organique ou synthétique (e-fuels), miscibles avec les carburants d’origine fossile, et qui peuvent être consommés n’importe où sur la planète.
Les e-fuels constituent un atout majeur à long terme, promoteurs d’une décarbonation mondiale progressive et soutenable, que seul le moteur thermique est en mesure de valoriser.
Les e-fuels produits avec de l’électricité décarbonée sont peu émetteurs de CO2 sur leur cycle de vie et peuvent être consommés par des voitures abordables et polyvalentes qui répondent à toutes les contraintes de mobilité. Au-delà de la réduction des émissions, ils apportent des réponses concrètes aux grands défis de l’énergie :
C’est pourquoi écarter le moteur thermique revient à renoncer à des opportunités déterminantes pour l’avenir. Il faut au contraire en accélérer l’amélioration : il équipe encore plus de 85 % des véhicules neufs vendus dans le monde, reste au cœur des actifs, compétences et savoir-faire de l’industrie automobile, et présente d’importantes marges de progrès.
On sait produire des carburants synthétiques dits « e-fuels » à partir d’électricité décarbonée, d’eau, et de CO2 capté dans l’air ambiant. Ces e-fuels sont neutre en carbone. Ils ne participent pas au dérèglement climatique. Leur coût pourrait descendre sous 1€/L d’ici 2050 (Sources : Sunfire GmbH, Institut de Postdam). Judicieusement consommés, les e-fuels pourront à l’avenir coopérer avec les batteries électrochimiques pour gérer la ressource électrique de façon la plus rationnelle possible.
Les e-fuels et batteries électrochimiques stockent tous deux l’énergie électrique. Les e-fuels présentent un rendement moins élevé de la centrale à la roue. En revanche, ils stockent cette énergie à pression atmosphérique dans un réservoir au coût dérisoire, et sous une densité 70 fois plus élevée que celle des batteries électrochimiques. Ces qualités sont primordiales pour les applications mobiles (transport). Les e-fuels sont convertis en mouvement par un moteur thermique qui forme avec son réservoir un ensemble léger.
Les e-fuels pourraient devenir la variable d’ajustement de la transition énergétique tant pour la régulation des réseaux et le stockage d’énergie de long-terme, que dans les transports. Ils pourraient aussi rendre cette transition plus acceptable sur un plan socio-économique, et répondre aux usages et aux régions inadaptés au 100% électrique.
Consommés par des hybrides rechargeables (PHEV pour « Plug-in Hybrid Electric Vehicle ») ou par des voitures électriques à prolongateur d’autonomie (EREV pour « Extended Range Electric Vehicle »), les e-fuels pourront à l’avenir assurer l’essentiel des trajets de plus de 80 km qui représentent environ 30 % du kilométrage en Europe (Source : analyses de NTS/RAND et ITC).
Les batteries électrochimiques resteront idéales pour assurer les trajets du quotidien, et pour couvrir les 80 à 100 premiers kilomètres des longs trajets. Cette stratégie « PHEV ou EREV + e-fuels » est attractive pour les usagers et pourrait conduire à la neutralité carbone de l’automobile à horizon 2050, sans heurts ni désastre économique et industriel.
Le graphe suivant montre de façon schématique ce que pourrait être le chemin vers la neutralité carbone d’ici à 2050 en exploitant les avantages des batteries électrochimiques en combinaison avec ceux des e-fuels :
Ce graphe est probablement pessimiste car la quantité d’énergie électrique qui transite par des batteries plutôt que par des e-fuels pourrait être plus importante :
En alternative au 100% électrique, les EREV à prolongateur d’autonomie alimenté aux e-fuels pourraient générer des économies gigantesques. Ceci mérite quelques explications chiffrées :
Prenons un pays comme la France dont les 45 millions de voitures (VP + VUL) parcourent au total 540 milliards de kilomètres par an. Si toutes ces voitures étaient 100% électriques, avec une moyenne de consommation de 20kWh/100km incluant les pertes de transport, de distribution et de recharge, elles consommeraient à l’année 108 TWh soit l’équivalent de 20% de l’électricité produite en 2024 par la France (536,5 TWh).
Si au lieu d’être 100% électriques, ces 45 millions de voitures étaient des EREV « e-fuel » équipés de 25kWh de batteries au lieu des 67 kWh qu’embarquait en moyenne une voiture 100% électrique vendue en Europe en 2024.
Prenons le prix de fabrication médian des batteries pour voiture électrique qui, en 2025, est de l’ordre de 100€/kWh. Gardons prudemment ces 100€/kWh car on ne sait pas encore si ce prix va baisser avec les volumes à venir, ou au contraire monter à cause de la pression minière et d’un recul des surcapacités de production chinoises qui réduisent artificiellement les prix.
Considérons que le prix moyen en fabrication d’un « range extender » à moteur thermique est de 1500 €, ce qui est réaliste.
L’économie moyenne réalisée sur chaque véhicule par la réduction de la capacité batterie serait de ([67-25]*100)-1500 = 2700€, range extender inclus. Si la durée de vie des voitures est de 15 ans, on économiserait donc 45 millions x 2700 € = 54 milliards d’euros tous les 15 ans, les voitures devenant au passage moins chères et plus accessibles.
A cette économie sur le coût des batteries s’ajoute celle réalisée sur le réseau de bornes de recharges publiques. On peut estimer le coût d’un tel réseau pour la France à environ 100 Mds € hors dépenses annuelles de maintenance. Ce chiffre correspond à une borne installée pour 10 voitures conformément à la recommandation de la Directive européenne 2014/94/UE soit 4,5 Millions de bornes, multiplié par 22 000 € de prix de revient par borne en moyenne. Cet investissement est en partie à renouveler tous les 20 à 30 ans, durée de vie des bornes.
Par rapport au scénario « 100% électrique », si, selon le scénario « 100% EREV », 25% des trajets étaient réalisés avec des e-fuels, la France devrait produire environ 54 TWh d’électricité supplémentaires. Ceci représente un peu moins de cinq réacteurs nucléaires de type EPR2 dédiés à la production d’e-fuels, soit un investissement de l’ordre de 50 Mds €.
Un EPR2 pourra durer 80 ans pendant lesquels les voitures françaises auront été remplacées 80/15 = 5,3 fois. Par rapport au « 100% électrique », la stratégie « 100% EREV » aura fait économiser 5,3 x 54 = 286 Mds d’euros aux français + 100Mds de bornes au moins 2 fois soit plus de 500 Mds d’euros. A cette économie devront toutefois être soustraits les investissements liés aux infrastructures de productions d’e-fuels pour environ 50 Mds d’euros.
L’ordre de grandeur de l’économie à réaliser sur 80 ans est de l’ordre de 450Mds d’euros pour un pays comme la France, sans compter les bénéfices industriels et de souveraineté, vitaux pour notre économie.
Avantages stratégiques de la combinaison PHEV ou EREV + e-fuels :
Le principal handicap des e-fuels face aux batteries électrochimiques, c’est leur rendement de la centrale à la roue. A même kilométrage, il faut aujourd’hui produire jusqu’à 5 fois plus d’électricité qu’avec des batteries. Ce ratio pourrait descendre à 3 voire moins en améliorant le rendement des moteurs thermiques et des véhicules, et celui de la production des e-fuels.
Toutefois, ce handicap serait largement compensé par les atouts à long terme des e-fuels :
1. Production et flexibilité énergétique
2. Distribution, usages, autonomie
3. Avantages industriels et de souveraineté
4. Perspectives climatiques
Ce chiffre résume la singularité européenne : en 2023, 78% des véhicules neufs vendus dans le monde l’ont été dans des pays qui n’ont pas décidé de bannir le moteur à combustion interne (MCE) :
Au sein même de l’Europe, on constate de fortes disparités dans le niveau d’électrification en fonction de la richesse. Les voitures électriques (VE) se développent d’autant plus que le PIB par habitant est élevé : au premier semestre 2025, trois pays, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique, ont porté 62% des ventes de VE de l’UE27.
Le profil-type de l’acheteur de voiture électrique est une personne riche qui vit dans un pays riche. Généralement, cette personne reçoit une aide pour acheter sa voiture électrique. Cette aide est à la charge de l’ensemble des contribuables, riches et pauvres. Pour remédier à cette injustice, la France a inventé le « leasing social », permettant chaque année à 50 000 personnes à faible revenu de louer une voiture électrique pour 140 à 200€/mois pendant 3 ans minimum. Ce loyer complète une aide de 7000€ par voiture payée là aussi par les contribuables.
En Norvège, 4ème pays le plus riche du monde avec un revenu par habitant de 90 434 dollars, près de 95% des voitures immatriculées neuves sont désormais électriques. Les incitations à acheter des voitures électriques et les mécanismes de dissuasion d’acheter des véhicules thermiques sont tels, que l’électrique est largement moins cher à l’achat et à l’usage que le thermique. La Norvège a les moyens financiers de ses ambitions électriques grâce aux hydrocarbures : elle détient le plus grand fond souverain du monde – 1750 Mds d’euros d’actifs – alimenté par les revenus tirés de l'exploitation du pétrole et du gaz. Ce fond, anciennement nommé « Fonds gouvernemental pour le pétrole » a été renommé en 2006 « Fonds de pension gouvernemental-Étranger ».
Les îlots de richesse que forment l’Europe ou la Norvège - marché microscopique de moins 130 000 voitures par an - ne décarboneront pas seuls le monde. Ils représentent au total 5% de la population mondiale et s’ils réduisent leurs émissions de CO2 liées au pétrole pour laisser d’autres pays moins avancés augmenter les leurs, il n’y aura aucun effet positif pour le climat.
C’est pour cela que le moteur thermique a un rôle décisif à jouer dans les décennies à venir, au niveau mondial : il est accessible à toutes les populations du monde, peut s’adapter à toutes les conditions d’usage, et constitue une formidable opportunité de décarbonation via l’amélioration de son rendement et la réduction de l’impact climatique des carburants qu’il consomme.
La réduction progressive de l’empreinte carbone des carburants combinée à l’hybridation des véhicules (HEV, PHEV) et aux moteurs thermiques à haut-rendement est assurément la clé pour passer graduellement du monde actuel basé sur les énergies fossiles, à un monde à faible impact climatique. Les prolongateurs d’autonomie pourront aussi s’inviter davantage dans les voitures électriques (EREV, REEV) pour en favoriser le développement. Selon ce scénario probable et logique, seuls les Européens et quelques les peuples du monde seront privés de moteurs thermiques, le reste du monde en produisant de plus en plus.
C’est pour cela qu’en 2022, Luca de Meo, alors directeur général de Renault, déclarait : « Le thermique restera un business relativement stable. C’est paradoxal, mais le pic des volumes au niveau mondial est devant nous. ».
L’Europe, berceau de l’automobile et championne du moteur thermique pourra-t-elle rester dans la course à l’export ? Rien n’est moins sûr car pour rester compétitifs dans les moteurs thermiques, même à l’export, il faut innover et garder son avance technologique. Une usine Européenne qui ferme ne rouvrira pas et ses savoir-faire seront irrémédiablement perdus. Quand on cesse de produire, on cesse de savoir-faire et on ne progresse plus. Or, les constructeurs européens ont déjà en partie démantelé leurs centres de recherche dans les moteurs thermiques. Ils ont été forcés d’investir massivement dans de l’électrique pour l’instant non-rentable au détriment du thermique, puisque ce dernier est officiellement interdit en Europe à partir de 2035.
Ces investissements « électriques » ont été forcés par un calendrier de réduction des émissions de CO2 extrêmement contraignant, associé à de lourdes pénalités (norme CAFE : 95€ de pénalité par gramme de CO2 excédentaire). Le « timing » est tellement serré que seule l’électrification massive des ventes pourrait éviter aux constructeurs que tout l’argent qu’ils gagnent ne leur soit confisqué. C’est pourquoi, dans les salons automobiles, ils ne présentent quasiment que des voitures électriques, dans leurs publicités aussi, et qu’en concession, ils accordent des remises sur les électriques en faisant levier sur les subventions.
Problème : le marché ne suit pas à hauteur des attentes.
Les voitures électriques, qui n’ont de « zéro émission » que le nom, sont trop chères, se dévaluent trop vite et sont difficiles à revendre. Leur recharge est contraignante, leur autonomie reste limitée et leur réparation coûteuse. On a beau forcer les européens à les acheter en utilisant leurs impôts pour les subventionner, un « plafond de verre » existe : au-delà des « early adopters » et des écologistes convaincus et riches, les masses populaires n’ont pas les moyens d’acheter une vraie voiture électrique à prix astronomique. Ces masses populaires ne se précipitent pas non plus pour acheter une voiture électrique à prix raisonnable si celle-ci ressemble tout juste à une voiture, avec des équipements minimalistes et une autonomie ridicule.
Cette entreprise de destruction de l’industrie automobile Européenne est une aubaine pour les Chinois. Ils vendent aux Européens des batteries qu’ils ne sauront jamais fabriquer au même prix, ceci pour produire des véhicules électriques qui ne seront pas compétitifs face à leurs homologues chinois. Une fois leur industrie automobile détruite, les Européens rouleront – pour ceux qui en auront encore les moyens – dans des voitures hybrides chinoises équipées de moteurs thermiques chinois. Les contribuables européens auront été saignés à blanc pour détruire leurs emplois, s’appauvrir, et subventionner les usines chinoises.
Ce cataclysme économique et social est un terreau fertile pour le populisme et la violence, et pour reléguer l’environnement au dernier rang des priorités. Conscients de cela, plusieurs états de l’Union Européenne au premier rang desquels l’Italie, l’Allemagne et la Pologne s’insurgent contre un calendrier et une obstruction technologique jugés suicidaires, et négocient avec la commission Européenne des reports d’échéance, des assouplissements de normes, et plus de flexibilité technologique.
L’ensemble des voitures européennes représente 0,8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). C’est peu. Par conséquent, l’impact sur le réchauffement climatique de la conversion au tout-électrique du parc automobile européen, qui prendra des décennies, sera faible et même, quasi invisible :
Ce gain environnemental modeste sera en revanche lourd de conséquences, industrielles, économiques et sociales, désastreuses pour la prospérité européenne. En outre, le bénéfice pour le climat du « tout électrique » n’est pas mis en balance avec d’autres risques environnementaux. La pression minière et la destruction d’écosystèmes associés, certes loin de chez nous, n’entre pas encore dans la balance bénéfices/risques du 100% électrique.
Faisons le calcul du gain en émissions de gaz à effet de serre de l’automobile tout-électrique européenne :
En Europe, en se projetant sur un mix énergétique de production d’électricité de 2040 plus décarboné qu’aujourd’hui, remplacer une voiture 100% thermique par une voiture 100 % électrique permettrait de réduire les émissions de CO₂ par kilomètre d’environ 70 % (source : Transport & Environnement). Ainsi, convertir l’ensemble du parc automobile européen au tout-électrique ne peut réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre qu’au maximum de 0,56 % (0,8 [toutes les voitures européennes] × 70 %). Ce chiffre suppose que les voitures thermiques ne fassent aucun progrès, ce qui ne sera pas le cas, et que les émissions de GES mondiales n’augmentent pas, ce qui est peu probable.
Car en effet, cette réduction de 0,56 % obtenue au bout de plusieurs décennies est d’autant plus insignifiante que les émissions de gaz à effet de serre augmentent d’environ 1,1% par an depuis 2000, et continuent de le faire. La seule période où les missions mondiales de gaz à effet de serre ont baissé est l’année du COVID, preuve s’il en fallait qu’activité économique et émissions de GES vont de pair :
Toutefois, ces observations ne remettent en cause ni la nécessité de réduire l’empreinte écologique de l’automobile, ni celle de sortir du tout-pétrole. Il est ici question de rappeler que l’automobile, bien que visible par tout un chacun, ne doit pas devenir le bouc émissaire du dérèglement climatique au point d’en oublier la contribution de secteurs beaucoup plus influents.
L’automobile doit participer à l’effort de décarbonation mondiale de façon proportionnée, progressive, et économiquement soutenable. L’automobile ne doit pas être l’instrument de politiques environnementales extrémistes, imposées à la population sans étude d’impact préalable digne de ce nom.
Une baisse finale de 0,56 % des émissions mondiales de GES… mais à quel horizon, et avec quelles garanties ?
Le parc automobile européen compte environ 280 millions de véhicules (voitures particulières et utilitaires légers). En 2024, moins de 12,2 millions de véhicules neufs ont été immatriculés en Europe (EU27) contre 14,7 millions en 2019, soit une contraction du marché de 17% en seulement 5 ans.
En supposant que l’intégralité des voitures neuves vendues en Europe soient 100% électriques ce qui est encore loin d’être le cas (VE : 13,6% de part de marché en 2024 dans l’EU27), il faudrait au moins 23 ans pour renouveler l’intégralité du parc automobile européen (280 ÷ 12).
Un tel renouvèlement repose sur de fragiles hypothèses :
Si la durée de vie des batteries n’évolue pas et que le marché du véhicule neuf continue à se contracter, la flotte automobile européenne se réduira mécaniquement pour atteindre un nouvel équilibre autour de 180 millions de véhicules (12 millions de ventes annuelles × 15 ans de durée de vie). 36% de moins. En ce cas, une part croissante des Européens, en commençant par les plus modestes, n’aura plus accès à l’automobile. La liberté de mouvement, un des fondements de la qualité de vie des Européens, sera remise en cause. L’e-mobilité conduisant à l’immobilité : une véritable bombe sociale.
A ceci s’ajoute une menace industrielle et économique majeure.
L’industrie automobile européenne, aujourd’hui en danger, représente (source : ACEA) :
Préserver l’automobile - principal pilier industriel de l’Europe - nécessite de définir des stratégies de décarbonation cohérentes, technologiquement ouvertes, et basées sur un calendrier réaliste.
Sinon, la décarbonation de l’Europe proviendra essentiellement de sa désindustrialisation, de la perte de mobilité de sa population, et de son appauvrissement. L’Europe rentrera en décroissance, levier le plus efficace pour décarboner une économie.
Le lien entre pauvreté et faibles émissions de CO2 est évident. Prenons le Burundi. Avec 154 dollars de PIB par habitant, les émissions annuelles de CO2 équivalent par personne y sont de seulement 0,06 tonne. A titre de comparaison, un Allemand émet 14 tonnes de CO2 équivalent par an (233 fois plus) pour un PIB par habitant de 55 800 dollars (362 fois plus élevé). Les Européens accepteront-ils de sacrifier leur niveau de vie sur l’autel de la décarbonation ? De subir le chômage, la pauvreté, les tensions sociales et à la violence ? Pour éviter cela, d’autres stratégies pourraient être mises en œuvre, plus acceptables pour la population, et finalement plus efficaces sur le plan environnemental.
Dans ce contexte, le moteur thermique à haut rendement a un rôle déterminant à jouer, en parallèle de la réduction de l’empreinte carbone des carburants et en association avec l’électrification et l’hybridation. Son amélioration a une portée mondiale, avec un rôle-clé à jouer par les industriels européens, à leur plus grand profit.
Enfin, les milliers de milliards d’euros que coûtera l’électrification totale de l’automobile européenne ne doivent pas compromettre notre capacité à investir dans des secteurs plus faciles à décarboner tels que les bâtiments, l’industrie, et la production d’électricité. Ces sources stationnaires, plus simples à traiter techniquement, représentent près des deux tiers des émissions mondiales de GES (gaz à effet de serre), soit dix fois plus que l’ensemble des voitures en circulation sur la planète.
Le tableau suivant montre qu’en Europe, remplacer les centrales électriques consommant des énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole) par des centrales nucléaires serait plus efficace que de remplacer les voitures thermiques par des voitures 100% électriques, ceci pour un prix à la tonne de CO2 évitée jusqu’à 10 fois moins élevé :
