Peu de stratégies permettent d’améliorer encore significativement le rendement des moteurs à essence modernes, déjà « à l’état de l’art ». Dans ce contexte, l’allumage par jets turbulents (TJI) présente le meilleur potentiel pour réduire la consommation de carburant à faible coût, et faible investissement.
Les possibilités du TJI ont été évaluées à maintes reprises dans le cadre de programmes de R&D menés par divers constructeurs, organismes institutionnels ou équipementiers tels que Mahle (Mahle Jet Ignition [MJI]), Renault (GASON, EAGLE), IAV (passive et active PCSP), FEV, Ford, FVV (ICE2025+, SACI), GAC ou encore Honda.
À cela s’ajoutent les résultats obtenus avec Valvijet, un « enabler » qui permet au TJI de réduire drastiquement la consommation de carburant sur le cycle WLTP ainsi qu’en conditions réelles de conduite - là où se situe le véritable défi de l’allumage par préchambre.
En effet, en TJI, le rendement de crête est trop souvent présenté comme un accomplissement alors que seul compte le rendement moyen en usage réel et sur cycle d’homologation.
Le tableau suivant positionne la rentabilité énergétique et économique du TJI mis en œuvre avec Valvijet, dont le prix de revient en fabrication a fait l’objet d’une étude détaillée conduite avec des partenaires de premier plan :
Comme le montre ce tableau, par rapport à un moteur moderne GDI turbo VVT, le TJI mis en œuvre avec Valvijet permet de réduire fortement la consommation de carburant, et ce au coût le plus faible par gramme de CO₂ évité. Associé à un système « mild hybrid » 48 V, Valvijet peut même réduire la consommation autant qu’un système « full hybrid » tout en affichant un surcoût de fabrication deux fois plus faible.
Le potentiel théorique du TJI est connu. La question n’est plus de « combien » le TJI pourrait réduire les émissions de CO2, ce que l’on sait déjà, mais « comment » on réalise un dispositif TJI opérationnel sans verrous fonctionnels ou technologiques, industrialisable et commercialisable à court terme.
Fournir le package technologique nécessaire en réponse à cette question est l’objet même de Valvijet.
Les premiers concepts de moteur à allumage par préchambre datent du début du XXème siècle. L’allumage par préchambre consiste à aménager dans la culasse une petite cavité, une préchambre, qui est reliée à la chambre de combustion principale par des orifices via un nez de préchambre (voir schéma ci-après).
La préchambre contient un mélange carburé formé d’air et d’essence : la « charge pilote ».
Cette charge pilote est mise à feu par une bougie d’allumage. En brûlant, elle émet des jets de flammes dans la chambre de combustion du moteur via les orifices. Ces jets - appelés « jets turbulents » ou « torches d’allumage » - enflamment la charge principale :
S’il est mis en œuvre correctement, l’allumage par préchambre présente de gros avantages :
Ces caractéristiques uniques ouvrent l’accès à de nouvelles possibilités :
Le schéma suivant montre l’origine des gains du TJI induits par la combinaison Miller + EGR :
Théoriquement donc, les préchambres sont très avantageuses. Malgré cela, à quelques exceptions près, seuls les moteurs à gaz de grandes dimensions en ont été équipés depuis les années 1960, et les moteurs de Formule 1 depuis 2014 ce qui leur a permis de dépasser les 50% de rendement effectif :

On ne peut pas évoquer les préchambres sans parler du moteur CVCC, produit de 1973 à 1985. À cette époque, le CVCC a permis à Honda de satisfaire les normes d’émissions aux États-Unis sans catalyseur 3 voies. Ce moteur, qui fonctionnait en mélange pauvre, était compatible avec l’essence avec ou sans plomb. Il a ouvert le marché américain à Honda.
En 2020, le TJI est revenu en automobile avec le moteur « Nettuno » de la Maserati MC20, une voiture produite à seulement 260 exemplaires en 2024. Le moteur Nettuno est équipé d’une préchambre passive. L’objectif de Maserati est notamment d’éviter les sur-richesses à pleine puissance, désormais interdites car excessivement polluantes.
Le 28 octobre 2025, le groupe Stellantis, auquel appartiennent Maserati et Jeep, a officiellement présenté le Hurricane4 Turbo. Ce moteur 4-cylindres de 2,0 L, développant 324 chevaux (120 kW/L), équipera le Jeep Grand Cherokee dans sa version 2026. Comme le Nettuno de Maserati, le Hurricane4 est doté de deux bougies d’allumage par cylindre, dont l’une est logée dans une préchambre passive.
Le Hurricane4 Turbo dispose d’une injection directe, d’une injection indirecte, ainsi que d’un turbocompresseur à géométrie variable associé à une wastegate. Il met en œuvre le cycle de Miller grâce à un déphaseur d’arbre à cames électrique et intègre également une pompe à huile à cylindrée variable et une pompe à eau électrique.
Ce mix technologique particulièrement riche permet au Hurricane4 d’atteindre un rendement maximal de 40 %, une excellente valeur. Ce rendement varie peu en fonction de la puissance à partir d’environ 20 kW et au-delà.
Le moteur Hurricane4 Turbo est une remarquable réalisation « premium » qui rassemble les meilleures technologies du moment, à l’instar du moteur 1,5 L Volkswagen EVO. Son double système d’allumage lui permet de couvrir toutes les situations : lorsque la préchambre est défaillante, la bougie prend le relais (basses charges, chauffage catalyseur, démarrage à froid). Lorsque la préchambre passive est la plus performante, c’est elle qui prend le dessus (cycle de Miller, fortes charges). Il existe également des situations où les deux systèmes d’allumage coopèrent.
Toutefois, le Hurricane4 Turbo ne recourt pas à l’EGR externe, une stratégie pourtant essentielle pour augmenter significativement le rendement aux basses charges, les plus représentées en conditions réelles de conduite. L’EGR externe n’est en effet pas compatible avec les préchambres passives.
Autre réalisation notable : le moteur V12 de l’hypercar Zenvo Automotive (100 exemplaires prévus), le seul à être équipé d’une préchambre active, développée par Mahle Powertrain England.
Parmi les perspectives, la société Horse a récemment présenté un groupe motopropulseur (GMP) adaptable aux voitures électriques : le « Future Hybrid Concept ». Ce GMP intègre un moteur à préchambre passive et revendique une meilleure capacité à brûler différents carburants. L’équipementier Mahle a également développé un prolongateur d’autonomie utilisant ce même principe. Ces moteurs ne sont toutefois pas encore commercialisés.
Malgré les promesses du TJI, étudié depuis plus de 100 ans, aucun moteur à préchambre seule n’est encore produit en grande série automobile : des verrous technologiques majeurs l’en empêchent toujours. Une rupture technologique est nécessaire pour faire de l’allumage par préchambre une technologie réellement « mainstream ».
Valvijet est sans conteste la rupture technologique attendue pour porter le TJI en grande série automobile et pour servir les basses charges, là où sont les enjeux de réduction de la consommation.
Pour comprendre les enjeux du TJI, il est nécessaire d’analyser ses différentes variantes de réalisation, de la plus simple à la plus sophistiquée, présentées ci-après de manière schématique :
1 – Préchambre passive :
C’est la configuration la plus simple. Elle consiste à envelopper la bougie d’allumage d’une coiffe percée d’orifices. Cette coiffe est parfois directement intégrée à la bougie. Sur le plan industriel, elle ne présente aucune difficulté.
Le mélange gazeux air/essence est fourni à la préchambre par la chambre principale lors de la compression. La chambre principale et la préchambre forment un système acoustique, ce qui explique que les préchambres passives concernent essentiellement des moteurs opérant sur une plage étroite de régime et de charge.
L’efficacité d’allumage des préchambres passives est limitée par les gaz brûlés résiduels (GBR), particulièrement à basses charges où est consommée la majeure partie du carburant sur cycle WLTP ou en conditions réelles de conduite (RDE). Les GBR « fatals », qui constituent déjà une contrainte forte pour l’allumage par préchambre passive, rendent très limitées - voire inexistantes - les possibilités de diluer volontairement la charge principale avec de l’I-EGR (interne) ou de l’E-EGR (externe refroidi).
Basses charges :
La préchambre passive forme un « cul de sac » ou « volume mort » dont il est difficile d’extraire les GBR entre deux cycles. La quantité absolue de GBR (gaz brûlés résiduels) piégée dans la préchambre varie peu avec la charge. Ainsi, plus la charge du moteur est basse, moins il y a de mélange carburé frais introduit dans le cylindre, et plus la proportion relative de GBR dans la préchambre augmente quel que soit le volume de cette dernière.
Sur les charges les plus représentées sur les cycles WLTP/RDE, là où est brûlée la majorité du carburant, la teneur en GBR peut atteindre 30 à 40 % dans la préchambre, voire davantage. De tels niveaux rendent la préchambre instable et inefficace. Il devient alors nécessaire d’installer une deuxième bougie en plus de la préchambre pour en prendre le relais, comme le prévoient les moteurs Nettuno et Hurricane4 de Stellantis.
Le bénéfice de la préchambre passive est faible sur WLTP/RDE. Elle peut toutefois offrir certains avantages indirects pour les moteurs fortement chargés et « downsizés », comme la possibilité d’augmenter le taux de compression ou d’éviter les sur-richesses désormais interdites par la réglementation. Cet avantage concerne cependant des véhicules à hautes performances, et non les voitures « cœur de gamme », principales contributrices aux émissions de CO₂ « corporate » (CAFE).
La dilution à l’EGR volontaire :
Diluer le moteur à l’EGR est intéressant pour dé-papillonner le moteur (réduction des pertes par pompage), diminuer les pertes thermiques aux parois et réduire la sensibilité au cliquetis à fortes charges. Toutefois, les fortes charges n’apparaissent que rarement : principalement lors des transitoires, en côte ou en conduite sportive.
Dé-papillonner le moteur et réduire ses pertes thermiques constitue la stratégie la plus efficace pour diminuer la consommation sur WLTP/RDE. Or, les préchambres passives, déjà peu enclines à assurer l’allumage à basses charges, le seraient encore moins avec un apport supplémentaire d’EGR dans la charge principale.
En effet, diluer la charge principale à l’EGR revient à diluer, dans les mêmes proportions, la charge pilote introduite dans la préchambre. Cet EGR s’ajoute aux gaz brûlés résiduels (GBR) déjà piégés dans la préchambre. La dispersion cyclique augmente alors fortement : dans la préchambre, des combustions rapides succèdent à des combustions lentes, et inversement. La chambre de combustion principale hérite de ces instabilités et les amplifie.
De plus, l’allumage devient moins efficace : plus la charge pilote est diluée, moins les jets turbulents sont dynamiques et plus ils sont froids.
C’est pourquoi, à basses charges (WLTP/RDE), le bénéfice en rendement des préchambres passives est modeste, nul, voire négatif par rapport à un allumage conventionnel par bougie.
Autre limite : les préchambres passives rendent les démarrages à basse température problématiques. En effet, lors du remplissage de la préchambre à partir de la chambre principale, une partie de l’essence gazeuse contenue dans la charge principale condense en traversant des orifices encore froids ou en entrant en contact avec les parois internes, elles aussi froides. Privé d’une partie du carburant qu’il devrait contenir, le mélange dans la préchambre devient alors trop pauvre pour s’enflammer.
Pour pallier ce problème, une solution évidente consiste à placer - comme l’a fait Stellantis - une deuxième bougie dans la chambre principale, laquelle remplit d’ailleurs d’autres fonctions. Une autre option consisterait à préchauffer la préchambre au moyen d’un dispositif électrique, mais cela entraînerait un surcoût et une complexité importants au regard des gains en CO₂ accessibles, sans compter un délai de préchauffage avant démarrage difficilement acceptable.
Autre inconvénient des préchambres passives : la mise en température du catalyseur est peu efficace. Là encore, la deuxième bougie permet de revenir à un fonctionnement plus traditionnel. Toutefois, en formant un piège à hydrocarbures, la préchambre passive ne facilite pas le respect des normes d’émissions.
La mise en température du catalyseur est moins critique si le moteur coopère avec des moyens électriques de puissance suffisante (hybridation). Une alternative consiste à équiper le véhicule d’un catalyseur à préchauffage électrique (EHC). Le problème : son surcoût est important au regard du gain en CO2 modeste des préchambres passives.
Pour cet ensemble de raisons, depuis plus de cent ans et malgré sa grande simplicité, les préchambres passives n’ont jamais trouvé leur voie dans l’automobile grand public. Toutefois, implémentée sur des groupes motopropulseurs fortement hybridés, elles peuvent faire gagner quelques pourcents au rendement de crête d’un moteur à combustion interne. Mais c’est un pis-aller : stocker et déstocker de l’énergie mécanique avec des batteries passe par une cascade de rendements qui n’est pas favorable. Rien ne remplace un moteur thermique qui se passe de ce stockage intermédiaire et qui entraine les roues via une boîte de vitesses.
2 – Préchambre active « fuel injection only » :
Cette configuration est adaptée aux moteurs opérant en mélange pauvre, voire ultra-pauvre, en pratique jusqu’à λ > 2. La préchambre est, comme dans le cas des préchambres passives, alimentée en mélange carburé par la chambre de combustion principale. Comme la charge principale est pauvre en carburant et riche en oxygène, un injecteur situé dans la préchambre enrichit la charge pilote en carburant afin qu’elle retrouve une stabilité et une température de combustion normales. Cela maximise l’efficacité d’allumage, notamment en émettant dans la chambre principale des espèces chimiques particulièrement réactives en présence de radicaux OH, comme le monoxyde de carbone.
Toutefois, atomiser et vaporiser de l’essence en un temps très court dans un volume aussi contraint qu’une préchambre constitue un véritable défi. Les parois retiennent une part importante du carburant par effet de mouillage. Cela rend la maîtrise de la richesse effective de la charge pilote hasardeuse et conduit à d’importantes émissions de particules, nécessitant l’installation d’un filtre à particules sur la ligne d’échappement.
Le principal défaut des préchambres actives « fuel injection only » est de ne s’adresser qu’aux moteurs opérant en excès d’air. Ce type de moteur – dit « lean burn » - tend à être banni de l’automobile à cause du coût et de la complexité du post-traitement des oxydes d’azote (NOx) en milieu oxydant.
En effet, le catalyseur 3-voies – le dispositif de post-traitement des polluants le plus économique – ne réduit pas les oxydes d’azote en présence d’oxygène libre.
La SCR (réduction catalytique sélective), utilisée en Diesel, permet de réduire les NOx. Toutefois, la SCR est coûteuse à fabriquer et à entretenir, encombrante au point de poser des problèmes d’intégration dans les petits véhicules, et contraignante pour les automobilistes. En effet, ce système fonctionne avec une solution d’urée plus connue sous le nom commercial de « AdBlue ». Or, la norme Euro 6d impose désormais à la SCR de fonctionner 100 % du temps. Il n’existe plus de points de fonctionnement hors cycle durant lesquels il serait possible de désactiver la SCR.
Résultat : il faut ravitailler le véhicule en AdBlue plus souvent, parfois plusieurs fois sur 20 000 km. En cas d’absence totale d’AdBlue, le véhicule peut perdre de la puissance, voire ne plus redémarrer.
Pour être plus direct, en automobile, remplacer un moteur Diesel par un moteur « lean burn » à préchambre active « fuel injection only » n’a aucun intérêt : on obtiendra des rendements comparables, pour un prix comparable et des contraintes de post-traitement comparables. Autant produire des moteurs Diesel.
3 – Préchambre active « air/fuel injection » :
Cette configuration est la seule qui ne présente ni les limites des préchambres passives certes simples mais peu efficaces, ni l’inutilité des préchambres actives « fuel injection only » qui, cantonnées au mélange pauvre, n’ont aucun intérêt face au Diesel.
Injecter un mélange air/essence dans la préchambre permet de conserver une charge principale stœchiométrique (λ = 1). La charge principale n’est alors diluée qu’avec des gaz d’échappement recirculés (EGR) non réactifs (dépourvus d’oxygène). Rester à la stœchiométrie est indispensable pour post-traiter les oxydes d’azote avec un catalyseur 3 voies simple et économique.
La charge principale étant stœchiométrique mais fortement diluée à l’EGR, l’injection d’essence seule dans la préchambre ne suffit pas à y restaurer une combustion normale : il faut également y injecter de l’air. Injecter seulement de l’essence dans la préchambre n’aurait aucun effet, puisqu’il n’y aurait pas l’oxygène correspondant pour assurer sa combustion.
En pratique, l’énergie de la charge pilote représente entre 1,5 % et 4 % de l’énergie totale du cycle. Plus la charge principale est diluée à l’EGR, plus l’énergie d’allumage - et donc la charge pilote - doit être importante. Le rapport air/carburant idéal de la charge pilote est de l’ordre de 11,3:1, soit une richesse φ = 1,3 ou un lambda λ = 0,77.
Une charge pilote riche en carburant génère une vitesse de flamme élevée dans la préchambre et produit de nombreux intermédiaires réactifs (H, O, OH, CH, CO, H2, radicaux C1–C2). Ces espèces se retrouvent dans les jets turbulents et favorisent la combustion de la charge principale fortement diluée à l’EGR. Cela promeut une combustion rapide et homogène de la charge principale, peu sensible au cliquetis, sur une large plage d’EGR exploitable.
Toutefois, injecter simultanément de l’air et de l’essence dans la préchambre constitue un véritable défi.
Il faut en effet :
Ces conditions sont indispensables pour des moteurs à préchambre active stœchiométriques, compatibles avec la catalyse 3-voies, dont la charge principale est fortement diluée à l’EGR et qui délivrent un rendement élevé sur toute leur plage d’utilisation. Si ces conditions ne sont pas réunies, le TJI à haute efficacité en conditions réelles de conduite restera un concept de laboratoire, sans perspective industrielle.
Rester compatible avec la catalyse 3-voies est décisif. En effet, malgré la flambée des coûts des PGM au cours de la dernière décennie (PGM = métaux du groupe du platine), le catalyseur 3-voies demeure économique : son prix de revient en fabrication se situe entre 220 € et 400 €, contre 700 € à 1 200 € pour un système de post-traitement en mélange pauvre (Diesel, essence « lean »), lequel engendre des coûts d’usage et des contraintes supplémentaires (SCR).
Autre avantage de la préchambre active pour moteur « lambda 1 » : l’injection directe d’essence n’est plus nécessaire (GDI). Or, remplacer l’injection directe d’essence par l’injection indirecte multipoint (MPFI) présente deux avantages majeurs :
Ces réductions de coût participent de manière significative à la performance économique du TJI exprimée en €/gCO2/km évité par rapport aux moteurs GDI Turbo « à l’état de l’art ». Comparé à des moteurs moins performants, le ratio « cost/benefit » bouge peu : les économies de prix de revient sont moindres, mais le gain en CO2 est plus important.
Reste que les technologies capables de couvrir l’ensemble des fonctions nécessaires n’existent pas encore — sauf dans le cas de Valvijet. Parmi ces fonctions figurent la préparation et l’injection, dans la préchambre, d’un mélange carburé précis et homogène, fondées sur plusieurs stratégies représentées dans les schémas suivants :
Les avantages et inconvénients de ces stratégies sont présentés ci-après.
Variante N°1 :
Cette variante n°1 consiste à injecter de l’air (A) et du carburant (F) au moyen de deux injecteurs indépendants, chacun débouchant directement dans la préchambre. Cette approche a été testée par Ford, FEV et le Oak Ridge National Laboratory. La réduction de consommation revendiquée est de 23 % sur un Ford F-150 Pickup « EcoBoost » V6 de 3,5L, une réduction qui n’est toutefois pas imputable au seul TJI : d’autres facteurs y contribuent.
Cette architecture pose plusieurs problèmes.
Premièrement, pour former un mélange air/essence homogène et 100 % gazeux, il est très difficile d’atomiser et de vaporiser de l’essence dans de l’air comprimé injecté simultanément dans le volume exigu d’une préchambre. Le tout doit se produire en un temps extrêmement court, sur quelques degrés de rotation de vilebrequin. Dans ces conditions, obtenir une bonne homogénéité de richesse dans la préchambre est difficile, voire impossible, et il est inévitable qu’une partie du carburant liquide mouille les parois, ce qui appauvrit la charge pilote et génère des particules.
On entre alors dans un cercle vicieux : le mouillage des parois pousse à injecter davantage pour restaurer la richesse du mélange gazeux, mais injecter davantage réduit la capacité du carburant à s’évaporer, ce qui accentue encore le mouillage des parois.
Maîtriser la composition de la charge pilote est encore plus difficile en transitoires : la composition changeante de la charge principale modifie elle aussi la composition de la charge pilote, de même que l’évolution de la thermique interne de la préchambre.
Un autre problème lié à la variante n°1 est son encombrement : loger deux injecteurs et une bougie dans chaque cylindre contraint fortement l’architecture de la culasse et complique son refroidissement. Dans ces conditions, il devient difficile de concevoir une préchambre de petit volume (< 1 cm³) et de faible surface interne. Or, si la préchambre est trop volumineuse, la consommation d’air comprimé devient excessive, au détriment du rendement du moteur.
De plus, l’énergie libérée dans la préchambre devient inutilement élevée, de même que la surface interne, ce qui favorise les pertes thermiques et pénalise le rendement.
L’objectif, au contraire, est de concevoir une préchambre aussi petite que possible afin de minimiser la quantité de charge pilote nécessaire, réduire la quantité de gaz brûlés résiduels et limiter les pertes thermiques. Problème : une préchambre compacte ne permet pas d’y loger deux injecteurs et favorise le mouillage des parois.
Autre inconvénient de cette variante n°1 : elle impose une injection directe d’essence haute pression dans la préchambre, dont le coût est équivalent à celui d’une injection directe principale. Or, le TJI remplace avantageusement le GDI et permet de rééquiper les moteurs en PFI, solution moins coûteuse et beaucoup moins émissive en particules.
Une telle configuration a peu de chances de voir le jour industriellement.
Variante N°2 :
Ce concept s’apparente au dispositif « air-assist injection » développé par Orbital engine (Orbital Combustion Process) au début des années ’80. L’injection assistée par de l’air comprimé est ici appliquée à une préchambre d’allumage.
Ford, FEV et le Oak Ridge National Laboratory mais aussi des ingénieristes de renom ont étudié cette variante qui apporte une réponse à divers problèmes posés par la variante N°1.
Cette variante N°2 comprend également deux injecteurs : un injecteur d’essence (F), et un injecteur de mélange (A/F). L’injecteur d’essence (F) débouche dans une « chambre de mélange » où il forme un mélange air/essence grâce à une arrivée d’air comprimé (A). Une fois constitué, ce mélange est introduit dans la préchambre via l’injecteur de mélange (A/F).
Comme pour la variante n°1, l’exiguïté du volume dans lequel est formé le mélange air/essence reste un enjeu majeur. Il faut en effet constituer un mélange le plus homogène possible, en limitant au maximum la projection d’essence sur les parois afin d’éviter que du carburant liquide ne parvienne jusqu’à la préchambre. Le temps disponible pour obtenir un mélange gazeux homogène est très court : au mieux quelques millisecondes à haut régime.
Dans la chambre de mélange, l’essence est atomisée en fines gouttelettes et doit s’évaporer dans l’air comprimé tout en présentant une hétérogénéité de richesse minimale. Une petite quantité d’essence liquide peut toutefois atteindre la paroi interne de la préchambre à la sortie du second injecteur (A/F), mais dans des proportions sans commune mesure avec la variante n°1 : environ vingt fois moins, en ordre de grandeur.
Cette configuration présente l’avantage d’un faible encours de carburant dans la ligne d’alimentation de la préchambre. Toutefois, elle partage avec la variante n°1 l’inconvénient de nécessiter une injection d’essence haute pression dans la chambre de mélange, alors que le TJI remplace avantageusement le GDI et permet de rééquiper les moteurs en PFI.
Limites communes aux variantes N°1 et N°2 – la calibration :
Les variantes N°1 ou N°2 présentent divers enjeux de calibration du moteur.
Calibrer le moteur nécessite de maîtriser les conditions initiales régnant dans la préchambre au début de chaque cycle. Le déroulement de la combustion de la charge principale en dépend directement. Parmi ces conditions initiales figurent la quantité d’énergie introduite, la teneur en gaz brûlés résiduels, la richesse globale, l’homogénéité de richesse, la turbulence au moment de l’allumage de la charge pilote par la bougie, ainsi que la température.
Or, avec les variantes n°1 et n°2, maîtriser la richesse de la charge pilote introduite dans la préchambre suppose de connaître précisément le débit massique de l’injecteur d’air et celui de l’injecteur d’essence. Cela nécessiterait une métrologie de très haute précision et à large plage, capable de renseigner le débit de chaque injecteur, ce qui est pratiquement et économiquement impossible.
Outre la maîtrise du débit unitaire des injecteurs d’air et d’essence, il faudrait également connaître les encours d’essence liquide présents sur les parois internes de la préchambre en régime stabilisé comme en régimes transitoires. Ce point est toutefois moins critique dans le cas de la variante n°2.
Déduire les débits unitaires des injecteurs d’air et d’essence de préchambre via un bouclage par sonde lambda n’est pas davantage possible : dans ce type de bouclage, l’injecteur principal représente à lui seul jusqu’à 98 % de l’énergie introduite. Les corrections de richesse totale du moteur, nécessaires au bon fonctionnement du catalyseur 3-voies, continueront donc d’être réalisées via la correction du débit de l’injecteur principal de la chambre de combustion, sans connaissance précise des débits des injecteurs de préchambre (corrections STFT/LTFT).
Il est donc difficile de maîtriser la calibration d’un moteur « lambda 1 » équipé d’un système d’alimentation de préchambre en mélange carburé correspondant aux variantes n°1 ou n°2.
Variante N°3
Cette variante, développée par Valvijet, résout les problèmes liés aux variantes N°1 et N°2 :
La variante N° 3 « Valvijet » intègre un injecteur proportionnel « intelligent » muni d’un capteur de position (Z).
Cette variante comprend un mélangeur air/carburant qui fournit la charge pilote aux préchambres du moteur. Ce mélangeur se compose d’une enceinte de brassage d’environ 45 cm³ dans laquelle sont introduits de l’air sous pression (A) et du carburant (F) dans des proportions précises à ±2 %. Une turbine tourne en permanence dans cette enceinte : elle homogénéise le mélange air/essence et assèche les parois internes. L’enceinte contient l’équivalent d’une seconde de consommation à pleine puissance (moteur de 150 kW), et jusqu’à une minute trente au ralenti.
Le mélange est injecté dans la préchambre par un injecteur (A/F) à levée d’aiguille continûment variable. La position instantanée de l’aiguille est fournie par le capteur de position (Z), à large bande passante.
Cette variante n°3 n’a pas besoin d’un injecteur d’essence haute pression par cylindre, mais seulement d’un injecteur de charge pilote (A/F) : la production du mélange carburé est centralisée dans un mélangeur A/F commun à tous les cylindres.
Les avantages de cette configuration sont nombreux :
Variante N°4
La variante n°4 n’est autre que la variante n°3 à laquelle est ajouté un clapet anti-retour à rappel magnétique Valvijet, situé dans le nez de la préchambre ainsi qu’au niveau des orifices d’éjection des jets turbulents. Lorsque le clapet est fermé, la préchambre ne communique pas avec la chambre principale. Lorsqu’il est ouvert, les gaz peuvent circuler de la préchambre vers la chambre principale via les orifices d’éjection des jets turbulents.
La re-fermeture du clapet est assurée à la fois par un champ magnétique et par la différence de pression entre la préchambre et la chambre principale.
Cette variante garantit les conditions initiales de la préchambre à chaque début de cycle.
En effet, sans clapet, les conditions initiales dans la préchambre dépendent en partie de la composition de la charge principale. Notamment, la teneur en gaz brûlés résiduels (GBR) de la charge principale - constitués d’EGR interne ou externe - influence directement celle de la préchambre. Or, les GBR sont un véritable « poison » pour l’allumage par préchambre :
En coopération avec l’injecteur « intelligent » A/F, le clapet Valvijet garantit une charge pilote « quasi zéro GBR ». Pour cela, une injection de balayage, représentant environ 10 % de la charge pilote totale, est effectuée avant l’injection de remplissage de la préchambre, à basse pression, en tout début d’admission. Résultat : la charge pilote piégée dans la préchambre ne provient plus pour partie de l’injecteur A/F et pour partie de la charge principale. Grâce au clapet, la charge pilote provient exclusivement de l’injecteur A/F.
Autre avantage du clapet : la maîtrise de la vitesse de combustion de la charge pilote. Cette vitesse ne dépend pas uniquement du taux de gaz brûlés résiduels (GBR) — qui, grâce au clapet, est proche de zéro — mais aussi de la turbulence régnant dans la préchambre au moment où l’étincelle est produite entre les électrodes de la bougie. Avec l’injecteur proportionnel « intelligent » Valvijet, il est possible d’ajuster précisément cette turbulence grâce à un profil de levée adapté et au recouvrement entre l’étincelle et la fin d’injection.
Comme le clapet sanctuarise la préchambre, la turbulence peut y être réglée finement, sans que des gaz issus de la charge principale ne viennent perturber le résultat via les orifices d’éjection des jets turbulents.
L’absence de GBR dans la charge pilote et la maîtrise de sa vitesse de combustion dans la préchambre garantissent un allumage efficace à basses et très basses charges, celles qui sont les plus représentées sur le cycle WLTP et en conditions réelles de conduite.
Les avantages du clapet ne s’en arrêtent pas là :
Avec le clapet, l’injection de la charge pilote s’effectue dans un volume fermé, maintenu à basse pression quelle que soit la charge du moteur. L’écoulement au niveau de l’aiguille de l’injecteur est sonique durant tout le remplissage. Cela maximise le débit à iso-levée, limite le besoin en levée d’aiguille et permet un contrôle précis de la quantité de mélange gazeux injectée dans la préchambre.
Le volume de la préchambre étant clos, la quantité d’énergie que contient la charge pilote est choisie et non subie : les gaz de la charge principale ne peuvent pas entrer dans la préchambre. Cet espace fermé permet de réduire la pression d’alimentation de l’injecteur de charge pilote, de réduire l’énergie nécessaire à la compression, et surtout de rester en dessous du seuil de recondensation partielle de l’essence présente dans le mélange gazeux, quelle que soit la température du moteur.
Cette caractéristique est décisive pour le démarrage à froid, qui constitue l’un des défis majeurs des systèmes d’allumage par préchambre. Le clapet permet en effet d’introduire toute l’énergie nécessaire, même à –30 °C, pour couvrir les besoins d’allumage jusqu’à environ 12 bars de PME - voire davantage avec un cycle de Miller - sans risque de recondensation de l’essence dans le circuit d’alimentation (entre le mélangeur et la préchambre) ni dans la préchambre elle-même.
En effet, la pression en fin de remplissage de la préchambre est choisie via la quantité de mélange injectée. Sauf cas très particuliers, cette pression reste toujours inférieure à celle régnant dans la chambre principale. Cela réduit la densité du gaz entre les électrodes de la bougie et contribue à préserver cette dernière : la durée de vie de la bougie figure parmi les enjeux critiques des systèmes d’allumage par préchambre.
En effet, le clapet préserve la bougie : la tension de claquage est faible car la pression dans la préchambre est limitée par le clapet. L’absence de GBR permet de réduire encore l’espace inter-électrode et la puissance d’allumage. Le mélange légèrement riche constituant la charge pilote présente une meilleure inflammabilité. Cela limite le stress sur l’isolant et sur les câbles haute tension, et permet de réduire la durée de décharge. On peut alors utiliser une bougie de petit diamètre (ex. : 8 mm), dont la durabilité est préservée, et qui est compatible avec une préchambre de petit volume (ex. : 0,7 cm³).
Le volume clos de la préchambre à clapet n’étant plus affecté par ce qui se passe dans la chambre de combustion principale, il devient possible d’élargir considérablement la plage angulaire d’allumage tout en garantissant une excellente stabilité de combustion (COV). Ceci est décisif pour piloter le couple moteur cycle à cycle en transitoire, via un retrait d’avance à l’allumage et une dégradation temporaire du rendement, comme on le fait avec une bougie classique, voire en coupant momentanément un cylindre. C’est un point essentiel : le pilotage du couple par l’avance, difficile avec les préchambres conventionnelles, est indispensable pour calibrer un moteur automobile.
Allumer tardivement est également indispensable pour préchauffer le catalyseur 3-voies lors des démarrages à froid. L’objectif est de générer des températures élevées à l’échappement, papillon des gaz grand ouvert, sans dépasser une PME à peine supérieure à la PMF. L’allumage tardif est délicat avec une préchambre : il doit s’accompagner d’un réglage fin de la quantité de mélange carburé formant la charge pilote. Trop de puissance d’allumage « souffle » la flamme naissante dans la chambre principale ; pas assez ne permet pas d’amorcer la combustion. De plus, pour obtenir un échauffement maximal du catalyseur tout en minimisant le travail produit sur le piston, la combustion doit être lente. Le tandem Valvijet - injecteur proportionnel « intelligent » + clapet - permet précisément d’effectuer ces réglages et d’atteindre les résultats attendus.
La variante N°4, proposée par la technologie Valvijet, présente toutes les options et offre tous les leviers nécessaires à la réalisation d’un moteur stœchiométrique TJI performant, parfaitement pilotable, et à haute efficacité énergétique.
